Urgence et dynamique de l’action

Jean Scarcella, Abbé de Saint-Maurice d’Agaune

Urgence et dynamique de l’action

Urgence et dynamique de l’action par Jean Scarcella, Abbé de Saint-Maurice d’Agaune

Nous vivons dans un monde en profonde mutation. Le constat n’est ni original ni d’aujourd’hui ; mais en sommes-nous tous conscients, aussi bien clercs que laïcs ? Nous vivons en état de crise, et celui-ci est un état de grâce. Il appartient en effet à la foi chrétienne de vivre en état de crise et d’en prendre conscience à chaque époque. Cette foi, pensée comme une puissance, est capable de redynamiser la société par le pardon et la promesse (H. Arendt, philosophe).

Jean Scarcella, Abbé de Saint-Maurice d’Agaune
Jean Scarcella, Abbé de Saint-Maurice d’Agaune

La force (dynamis) de la parole humaine réside dans le pardon et la promesse. Or le Christ, parole de Dieu incarnée, n’a vécu que pour cela. Il a en effet incarné le pardon, la réconciliation. « C’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui » (2 Co 5, 19). Or notre monde a tant besoin de réconciliation ; entre les générations, les classes sociales, les cultures et les races, les religions, etc. Notre Église a pour immense mission de recommencer sans cesse à mettre les gens ensemble sans distinction, de pacifier leurs relations, d’ouvrir chacun aux richesses de l’autre. Il y a dans la liturgie un rite qui manifeste tout à la fois l’urgence de la réconciliation et l’impossibilité native de l’homme d’y parvenir : le geste de la paix. Il est prophétique : il annonce le jour où tous les hommes vivront réconciliés avec eux-mêmes, avec leurs frères et sœurs, avec le cosmos et avec Dieu.

Ainsi les chrétiens ne sont tels qu’en fonction de la promesse d’un monde meilleur. En réalité le royaume des cieux n’est pas tant un ailleurs que ce monde-ci totalement transformé par la dynamis divine, spiritualisé par l’Esprit de Dieu, lequel ne peut agir sans notre propre collaboration. L’Esprit est en chacun, mais nous pouvons résister à sa dynamis, par notre paresse et notre inaction, freiner l’avènement du royaume promis, simplement en refusant de croire à cette promesse, de mettre à profit la crise qui nous est offerte aujourd’hui ; ne nous contentons pas de vivre dans nos cocons, alors qu’il est urgent d’inventer le présent ! L’espérance chrétienne en Dieu qui ressuscite Jésus d’entre les morts est une dynamis d’invention et elle nous force à agir. Sans tomber dans l’activisme, l’action se prépare dans une « vie intérieure ». Donc c’est là qu’elle commence pour y retourner quand elle a accompli sa projection extérieure. C’est dans le « lieu du cœur » que l’on invente, que l’on reprend courage après l’échec pour repartir à nouveau, soutenu par la promesse de l’Autre.

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