7.8 sur l’échelle de Richter avec Anne-Catherine Berrut

7.8 sur l’échelle de Richter avec Anne-Catherine Berrut

Anne-Catherine Berrut, ancienne élève du Collège de St-Maurice. Elle revient sur son parcours et notamment sur la culture anglo-saxonne.

7.8 sur l’échelle de Richter avec Anne-Catherine Berrut

Son regard est direct. C’est une jeune femme que l’on devine passionnée. Violon. Deux vies en parallèle. Le tout recouvert d’un zest de vivacité teinté d’humour :« Est-ce loin la Nouvelle-Zélande ? Par rapport à la Suisse ? Non. Vous vous retrouvez juste la tête en bas ».

De La Nouvelle Zélande, Anne-Catherine Berrut en revient. Elle y a vécu quelques années et y a créé une émission de radio destinée à la communauté francophone. Aujourd’hui, de retour en Suisse, elle s’apprête à repartir à Zürich pour travailler dans la communication. Demain ce sera l’Italie, après demain peut-être Berlin.

Dès l’âge de 7 ans, elle se met au violon, ce qui est relativement tard, avoue-t-elle : « Aujourd’hui, en Corée par exemple, il y a des enfants qui commencent à trois ans ! C’est le prix à payer si l’on aspire à une carrière de musicien professionnel. »

Vous avez fait vos études au collège de Saint-Maurice tout allant à la HEMU de Lausanne. Comment avez-vous géré ces deux activités ?

Dès la première année au collège, j’ai bénéficié de dispenses, condition sine qua non pour mener deux vies en parallèle. J’avais en effet débuté mon Bachelor de violon en 1ère année du collège à l’Académie Varga.

J’ai opté pour le latin-anglais au Collège afin de conjuguer les humanités au futur : le latin pour la culture classique et l’anglais pour l’avenir. Après ma maturité, acquise en 2006, je me suis dirigée vers la faculté des Lettres de l’Université de Genève, littératures française et anglaise plus précisément. La fin des études au collège coïncidera avec mon premier divorce du violon que je reprendrai cependant quelques années plus tard.

Anne-Catherine Berrut, ancienne élève de Collège de l'Ababye de St-Maurice
Anne-Catherine Berrut, ancienne élève de Collège de l’Ababye de St-Maurice nous parle de ses voyages, de la Nouvelle-Zélande et de ses expériences.

Revenons à la compétition : nuit-elle à la formation ou à la maturation des artistes ?

Probablement. Tout concours engendre du stress. S’il est stimulant, il est aussi énergivore. Vous savoir en compétition accapare vos forces pour un but qui n’est pas artistique. Cela dit, nous réagissons tous différemment au stress.

Par ailleurs, je trouve que cette compétition entre élèves et entre écoles débouche sur une standardisation des interprétations. Des manières de jouer sont plus agrées que d’autres, les critères d’évaluation sont normalisés, ce qui peut s’avérer être assez étouffant.

Avec le recul, que retenez-vous du violon ?

C’est difficile à dire car j’ai grandi avec l’instrument ; de prendre du recul n’est donc pas aisé. Par contre, il y a bien sûr la rigueur et la discipline dans le travail, la culture musicale et les émotions ; en jouant vous vibrez, vous accueillez, vous véhiculez des émotions et les partagez. Même si je ne joue plus du violon actuellement, le besoin de créativité m’habite toujours.

Par la suite, Anne-Catherine Berrut s’est essayée à la danse classique, contemporaine, au hoop (cerceau aérien) et depuis quelques années, elle s’adonne au yoga. L’écriture a aussi ses faveurs. Décidément, on n’échappe pas au rythme.

Avant de se rendre en Nouvelle-Zélande, à Christchurch, elle a étudié aux Etats-Unis grâce à l’obtention d’une bourse. Expérience intéressante que d’étudier dans une université réservée aux femmes où elle a obtenu un diplôme en études américaines (culture et société américaines). Elle s’essayera même à la poésie, un défi pour la seule non-anglophone de sa volée.

De retour en Europe, elle est partie à Londres où elle a repris le violon pour un master au Royal College de Londres. Ensuite, elle a travaillé comme musicienne en donnant des concerts dans différents pays, puis s’est tournée vers le management culturel et le journalisme, avant de s’envoler pour la Nouvelle-Zélande où elle a obtenu un Master en Business Management.

D’où vient cet attrait pour le monde anglo-saxon ?

J’ai éprouvé une fascination pour la culture britannique, dès l’adolescence où j’avais réalisé mon premier séjour linguistique à Londres. C’est tout de même le pays de naissance du romantisme (avec l’Allemagne), qui a pris ses fondements dans les paysages si pittoresques et tourmentés du Lake District (région de Wordsworth et Coleridge) ! Je m’y suis rendue pendant mes études littéraires presque en pèlerinage lors d’un voyage « Interrail » sac à dos. J’ai multiplié les cours d’été en Angleterre : Cambridge, Bath, voyage d’étude autour de Shakespeare via l’Université. La littérature en particulier me fascinait : le théâtre de Shakespeare, les romans de Dickens qui dépeignent la réalité sociale d’une époque avec tant de précision, les auteurs féminines – Jane Austen, les sœurs Brontë, et tant d’autres. Je me suis aussi intéressée lors de mon année aux Etats-Unis aux auteures féminines de poésie américaine, littérature qui reflète une toute autre réalité.

Qu’est-ce qui caractérise le monde anglo-saxon si on le compare au monde francophone ?

C’est une question épineuse, mais je trouve qu’il y a plus de liberté individuelle dans le monde anglo-saxon. En tant que femme en particulier, je m’y sens beaucoup mieux qu’en pays francophone (France et Suisse en particulier), où il y a une forme de patriarcat très prononcée. La Nouvelle-Zélande par exemple est le premier pays du monde à avoir accordé le droit de vote aux femmes (1893) ! Il a fallu attendre jusqu’en 1971 en Suisse…Et le congé paternité n’est toujours pas en vigueur, ce que je trouve absolument sidérant – il suffit de se comparer à nos voisins allemands sur la question.

Avec le recul, que vous ont apporté vos séjours à l’étranger ?

Enormément. Vivre, étudier et travailler dans un pays qui n’est pas le nôtre rend plus humble. J’ai rencontré des obstacles de tous genres– bataille légale avec propriétaire, problème de visa (difficile à obtenir en Nouvelle-Zélande !), tremblements de terre à répétition, système de santé catastrophique, et j’en passe – qui m’ont fortifiée et surtout, m’ont fait réenvisager ma vision des choses. Je trouve qu’à l’étranger, en étant exposé à d’autres codes, on se questionne sur notre propre culture et cela rafraîchit la perspective. Et encore, il s’agit là d’un petit dépaysement, la culture anglo-saxonne reste assez proche de la mienne, j’aurais probablement vécu plus de bouleversements en Asie par exemple.

Et la Nouvelle-Zélande dans tout ça ?

Mon ami devait s’y rendre pour un doctorat en génie sismique. Comme j’aime les pays anglo-saxons la décision ne fut pas difficile à prendre. Nous avons vécu à Christchurch, ville dévastée par un fort tremblement de terre en 2011 (80% du centre-ville détruite). J’ai réalisé l’importance d’une vie culturelle pour l’épanouissement d’une population, ainsi que toutes les conséquences indirectes qui s’ajoutent à la destruction physique. Les bâtiments étant en ruines et les commerces en faillite, la population a dû migrer en périphérie. Il a fallu 2-3 ans pour que les travaux de reconstruction reconstituent un semblant de vie au centre-ville. Nous fûmes parmi les premiers à nous y installer. Dans un appartement tout neuf. A l’issue de mon MBM, j’ai travaillé dans une petite agence de marketing digitale pendant près d’une année. Ensuite, j’ai relancé la radio francophone de l’Alliance Française de Christchurch.

Parlez-nous de cette expérience de radio ?

L’émission est partie de mon initiative ; j’ai appelé l’Alliance française de Christchurch pour leur proposer une émission radio et j’ai eu la chance et la liberté de pouvoir la gérer de façon complètement autonome. J’ai pu établir la ligne éditoriale, choisir mes invités (dans toute la Nouvelle-Zélande), décider des sujets, monitorer le marketing, etc. en plus d’enregistrer et d’éditer. Les gens en Nouvelle-Zélande sont extrêmement accessibles en comparaison avec le monde francophone où les hiérarchies sont très marquées. J’ai eu la chance d’interviewer des spécialistes en génie sismique, en physique expérimentale…des professeur(e)s d’université, spécialistes de loi, de littérature, de la condition des femmes ; des diplomates et des artistes…C’était absolument passionnant et cela répondait à une réelle demande ! J’ai très vite pu créer une collaboration étroite avec l’ambassade de France en Nouvelle-Zélande qui voyait l’émission comme un moyen de cohésion sociale pour la communauté francophone de l’autre bout du monde, nombreuse et éparse. J’ai notamment pu m’occuper de la communication à Christchurch autour du Festival du Film français en Nouvelle-Zélande, et créer des collaborations avec des émissions locales pour lesquelles j’intervenais dès qu’un film francophone était diffusé et critiqué sur les mêmes ondes que mon émission.

En comparant au monde francophone, en quoi est-ce différent, de vivre et travailler en pays anglo-saxon?

Généralement en pays anglo-saxon j’ai toujours été frappée par le peu d’aides sociales et la précarité de la vie, ainsi que par le fossé social ; on a vraiment affaire à un système à deux vitesses. Mais le pendant positif à mon sens est qu’on se sent plus libre en tant qu’individu. La Nouvelle-Zélande, étant en plein milieu du Pacifique, est très influencée par la culture locale qui est assez détendue. C’est agréable. Les kiwis ont tendance à se laisser imprégner par le voisinage des îles au climat plus clément et passent volontiers l’hiver en shorts. Ce sont en quelque sorte des Vikings du Pacifique. Et puis il y a tout de même une forte présence des Maoris ainsi que des populations des îles Samoa et Tonga, ce qui est très enrichissant culturellement parlant.

Entretien avec Alexander Elmér

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